Pour nos 10 ans, nous avons mené une étude sur l’évolution de la rémunération des intermittent·es. Cette rétrospective sur 10 ans nous a permis d’échanger avec des expert·es du secteur culturel. Aujourd’hui, Philippe Abergel, délégué général du SYNPASE, répond à nos questions et nous partage son point de vue.
Pouvez-vous m’en dire plus sur le regard que vous portez sur l’évolution de la situation des intermittents ces 10 dernières années ? (Et notamment sur l’évolution de leur rémunération)
La rémunération moyenne des intermittents du spectacle a fortement augmenté depuis 10 ans (20%), de manière plus importante que l’inflation (13%) et que l’augmentation du SMIC sur la même période (15%). C’est bien évidemment une bonne nouvelle, attestant d’un certain dynamisme de nos secteurs malgré la crise du Covid qui a particulièrement impacté les champs du spectacle. Ce constat est encore plus patent chez les entreprises techniques, nos activités ayant dès 2022 retrouvé un niveau d’activité légèrement supérieur à 2019.
De plus, notre branche est celle où l’augmentation de la rémunération moyenne a été la plus forte pour atteindre 22%, ce qui illustre que le pouvoir d’achat des intermittents du spectacle ne s’est pas dégradé, contrairement à d’autres secteurs d’activité
Le champ d’activité des prestations techniques est celui qui connaît la plus forte augmentation, d’après vous, qu’est-ce qui l’explique ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène :
Tout d’abord l’augmentation importante des rémunérations est l’une des conséquences de la pénurie de personnel dans le secteur de la prestation technique. Celle-ci s’explique par la concomitance de deux phénomènes : d’une part, on estime à 15% le nombre de salariés qui ont quitté le secteur lorsqu’il était à l’arrêt pendant la crise sanitaire ; d’autre part, la reprise d’activité qui a suivi la levée des restrictions sanitaires a été particulièrement intense, en particulier lors de l’été 2022 au cours duquel la concentration des demandes de prestation technique a entraîné des difficultés pour y répondre. L’augmentation significative des rémunérations a été un moyen, pour les entreprises techniques, de conserver leurs salariés et d’en attirer de nouveaux.
De manière plus générale, l’augmentation plus rapide de la rémunération moyenne chez les entreprises techniques peut aussi s’expliquer par la qualité du dialogue social dans notre branche qui permet d’aboutir quasi chaque année à un relèvement des salaires minimaux de la convention collective. C’est grâce à cette qualité du dialogue entre partenaires sociaux que nous sommes parvenus à un accord en 2022 puis en 2023 avec les syndicats de salariés pour revaloriser les rémunérations de façon significative (+3% en moyenne en 2022, idem en 2023, soit +6% en moyenne sur un an) dans un contexte de forte inflation.
Autrement, les accords de branche sur les salaires ont un impact direct pour les entreprises qui rémunèrent leurs salariés à un niveau proche du salaire minimum de branche mais ils ont également un impact pour les autres entreprises, dans lesquelles ils ont souvent une résonance sur la politique salariale.
À votre avis, à quels défis faudra-t-il faire face dans les 10 prochaines années et comment pensez-vous que le secteur puisse y répondre ?
L’augmentation significative de la rémunération moyenne des techniciens intermittents a été un sacrifice consenti par les entreprises techniques, tant pour les fidéliser que pour les aider à faire face à l’augmentation du coût de la vie. Néanmoins son coût s’ajoute à celui, en très forte augmentation, de toutes les autres charges des entreprises techniques (envol du coût des matériels, de l’énergie, du transport, des assurances, etc.) qui, pour 80% d’entre elles, ont par ailleurs dû souscrire un PGE lors de la crise sanitaire et doivent désormais le rembourser.
Si nous pouvons nous réjouir du dynamisme de l’activité et des rémunérations chez les entreprises techniques, il est important de rappeler que la préservation de leur capacité d’investissement est vitale et indispensable pour faire face aux nombreux défis qui attendent notre secteur : intégrer de nouveaux profils pour répondre à cette pénurie relative, dans un processus plus inclusif, adapter nos organisations et nos modes de production pour relever les défis environnementaux aujourd’hui incontournables. Mieux collaborer avec les autres acteurs de la chaîne de valeur pour atteindre nos objectifs communs. Le tout bien sûr en continuant à faire rêver, à émouvoir, à élever, notre vocation commune !
Et pour les plus curieux·ses, retrouvez notre étude intégrale sur l’évolution de la rémunération des intermittents ici.