Un changement concernant les règles d’application de la Déduction Forfaitaire Spécifique – communément appelé abattement pour frais professionnels – est apparu dans le BOSS (bulletin officiel de la Sécurité sociale). Ce changement sonne-t-il la fin de l’abattement pour les artistes ?
Mais avant tout, un peu d’histoire d’abattement pour frais professionnels
L’abattement pour frais professionnels est à l’origine un abattement fiscal. C’est la raison pour laquelle les professions pour lesquelles cet abattement est possible se trouvent dans le Code Général des Impôts (article 5 de l’annexe IV du CGI tel que rédigé jusqu’au 31 décembre 2000).
Par la suite, pour ces professions, cet abattement pouvait être appliqué sur le bulletin de salaire pour le calcul des cotisations sociales.
On avait donc un texte d’origine fiscale avec une incidence sociale.
Les changements principaux sont apparus au début des années 2000 avec :
- la fin de l’abattement fiscal (tel que prévu par ce texte),
- l’obligation pour l’employeur d’avoir une autorisation expresse pour appliquer cet abattement sur le bulletin de salaire (accord collectif le prévoyant ou accord individuel écrit du salarié).
Rappel des règles en vigueur depuis les années 2000
- Application de l’abattement uniquement pour les professions listées dans le Code Général des Impôts (cf. liste supra)
- Taux distinct selon la profession (entre 5% et 40%)
- Nécessité d’avoir un accord collectif l’autorisant ou un accord écrit du salarié concerné
- Pas d’abattement pour les cotisations d’assurance chômage des intermittents du spectacle et des journalistes, ni pour la cotisation Congés spectacles
- Limitation du montant de l’abattement à 7 600 € par an par salarié (les logiciels spécialisés prennent en compte cette limite)
- Limitation de l’abattement au SMIC (la base de calcul ne peut être inférieure au SMIC calculé)
- Principe de non cumul entre l’application de l’abattement et le remboursement de frais (sauf exceptions).
Une nouvelle condition prévu par le BOSS
L’employeur doit pouvoir justifier du fait que le salarié supporte effectivement des frais professionnels. En pratique, il doit donc être en mesure de fournir les justificatifs des salariés.
1er janvier 2023 : les conditions à respecter pour appliquer l’abattement pour frais professionnels
Professions autorisées | Condition inchangée : liste des professions dans le CGI |
Autorisation du salarié | Condition inchangée : soit application d’un accord collectif autorisant la pratique de l’abattement soit avoir obtenu l’accord écrit – renouvelé chaque année – du salarié Précisions :Le BOSS rappelle que l’employeur doit informer les salariés concernés des conséquences de l’application de l’abattement sur leurs droits sociaux et précisément sur la minoration des IJSS, du calcul de la retraite de base ainsi que de la réduction du nombre de points de retraite complémentaireL’employeur devra prouver qu’il a informé ses salariés sur ces conséquences. Suite à l’interrogation du salarié sur son choix d’application ou non de l’abattement, en l’absence de réponse, l’employeur ne se prévaloir d’un acceptation tacite |
Cotisations sociales | Pas de changement : l’abattement ne doit pas être appliqué pour le calcul des cotisations d’assurance chômage des intermittents et des pigistes ni pour la cotisation Congés Spectacles |
Plafond | Pas de changement : limitation du montant de l’abattement à 7 600 €/an et par salarié |
Plancher | Pas de changement sur le principe : l’abattement ne peut avoir pour effet d’avoir une base de calcul des cotisations inférieure au SMIC calculé |
Principe de non cumul | Pas de changement : les exceptions à ce principe sont toujours les mêmes |
Justificatif des frais professionnels | Le changement : l’employeur doit être en mesure, en cas de contrôle Urssaf, de présenter les justificatifs démontrant que le salarié concerné supporte effectivement des frais professionnels : – en l’absence de justificatif : l’abattement n’est pas applicable – si l’employeur prend en charge la totalité des frais : l’abattement n’est pas applicable – si les frais sont partagés, pour que l’abattement soit applicable, la partie des frais payés par l’employeur doit être assujettie à cotisations sociales |
Date d’application
Le BOSS indique une application de cette nouvelle doctrine en deux temps :
- Contrôles Urssaf sur des périodes antérieures à 2023 : pas de redressement mais une demande de mise en conformité pour l’avenir
- Contrôles Urssaf à compter du 1er janvier 2023 : application des nouvelles règles
Que conclure pour l’abattement pour frais professionnels ?
La réglementation de la Sécurité sociale ajoute une condition à respecter pour pouvoir appliquer l’abattement : L’administration pose désormais pour principe que l’employeur ne peut appliquer une DFS que si le salarié supporte effectivement des frais lors de son activité professionnelle.
Cette condition est fondée sur différentes jurisprudences. Cependant ces changements sont à mettre en lien avec les rapports IGS/IGAS de 2005 ainsi que le rapport 2019 de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale
La question en suspens est celle des justificatifs : quels seront précisément les justificatifs acceptés par l’Urssaf ?
Lire le BOSS (si on a envie) : https://boss.gouv.fr/portail/accueil.html